Caroline Simard
L’incertitude
par Caroline Simard, auteure
S’il n’est pas naturel ou acquis pour tous de bien vivre avec l’incertitude, c’est en partie parce que nous ne nous rendons pas toujours compte de la grande part d’incertitude présente dans nos interactions quotidiennes. Il n’y a qu’à penser aux multiples possibilités de réactions pour chaque situation.
Ainsi, si l’on prend l’exemple d’une demande d’aide qu’on adresse à autrui, l’éventail des réponses possibles est plutôt large :
- Non.
- Plus tard.
- Je ne sais pas.
- Ah! demande à quelqu’un d’autre! (agacé)
- Ah! demande à untel. (pour vous redirigez vers une personne mieux outillée pour fournir l’aide)
- Tu devrais… (Bon ou mauvais conseil)
- Je n’ai pas le temps pour ça.
- Oui.
- …
Vous pourriez continuer la liste en y ajoutant toutes les réponses auxquelles vous avez eu droit tout au long de votre vie dans une situation similaire. En très peu de temps, vous verriez la liste s’allonger de manière importante. Pourtant, si on vous mettait au défi de demander de l’aide à trois personnes dans les jours qui suivent, il est peu probable que vous vous retrouveriez dans un état où l’incertitude vous amènerait à développer une grande anxiété.
Ceci n’est qu’un exemple, chaque petit moment de notre vie vient avec son lot d’incertitudes. La plupart du temps, nous ne le remarquons même pas.
Ces derniers temps, toute cette incertitude nous saute aux yeux. Ce n’est pas la vie qui est soudainement devenue plus incertaine, mais plutôt les balises que nous — individus ou sociétés — avions construites pour limiter ce caractère incertain qui sont dans beaucoup de cas devenus inutiles.
Qu’est-ce qui est réellement différent?
- Perte de nos repères habituels : les micro-organismes n’ont pas modifié leur mode de propagation, mais nous avons changé nos conventions sociales de manière à tenir compte de ce mode de propagation. Ce qui signifie que pour chaque situation où nous agissions par instinct ou par habitude, il y a quelques semaines à peine, nous devons maintenant nous questionner, réfléchir et prendre une décision quant à l’action que nous choisissons de poser. Le processus est plus long et le fait que nous sommes en train d’apprendre à le faire (donc, il se fait consciemment, plutôt que de manière inconsciente) nous donne une impression de lourdeur. Celle-ci est le résultat de l’apprentissage et non pas celui d’une incertitude grandissante.
- Diminution des facteurs de protection que nous avons mis en place contre l’incertitude : Tout au long de notre vie, nous prenons des décisions qui diminuent nos incertitudes face à l’avenir. Que ces facteurs soient individuels (comme un emploi, l’entretien de nos amitiés et de nos liens familiaux, etc.) ou collectifs (comme la présence d’un système scolaire, d’un système de service de garde, d’un système de production de bien et de service, etc.), ils ont dans bien des cas été remis en cause dans les dernières semaines. Si l’incertitude de la vie elle-même n’a pas changé, celle de votre vie peut avoir été affectée. Dans certains cas, il faut trouver de nouvelles manières d’avoir accès à nos facteurs de protection. Dans d’autres cas, il faut trouver de nouveaux facteurs de protection.
Ressentir une plus grande incertitude par rapport à notre situation ordinaire est normal pendant cette situation inhabituelle. Par contre, se laisser happer par cette incertitude est une erreur. Cela est non seulement complètement inutile, mais peut nous amener à adopter des comportements qui amplifieront la durée des impacts de cette situation.
« Si les inquiétudes deviennent excessives et incontrôlables, nous devenons des experts en détection de problèmes potentiels, mais nuls pour les résoudre puisque notre attention se penche sur les difficultés plutôt que sur les solutions à envisager. Les aspects ambigus ou indéterminés des évènements nous déconcertent à un point tel que nous ne voudrons rien décider sans avoir tous les éléments en main, ce qui est rarement possible. L’avenir comporte toujours une part d’incertitude. »
La bonne nouvelle, parce que bonne nouvelle, il y a, c’est que vous avez probablement déjà développé des attitudes constructives pour faire face à l’incertitude. Ce qu’il faut en ce moment, c’est puiser en vous même pour les retrouver et les mettre en pratique.
Qu’est-ce que vous pouvez faire pour vous créer de nouveaux facteurs de protection?
- Créez-vous une nouvelle routine personnalisée :
Si vos repères (de temps, d’espace, de contacts humains) ont été chamboulés, il est possible que vous vous sentiez désœuvré ou que vous ayez une impression de vide. Ne vous laissez pas submerger par celle-ci. Si vous ne faites que tourner en rond en attendant la fin du confinement, vous allez vous concentrer sur les points négatifs de la situation et vous finirez par devenir soit pessimiste, soit déprimé. Il faut au contraire que vous preniez les choses en main pour répondre à vos besoins.
Déterminer d’abord vos proportions habituelles de stimulations diverses (stimulation intellectuelle, interactions humaines, distractions, solidarité, etc.).
À partir de ces proportions (et des sentiments qu’elles vous inspirent), établissez une routine qui vous permet de combler les différents aspects de votre vie.
- Créez-vous une oasis de paix
Avoir un endroit ou des moments pour être juste bien avec soi, une oasis où le stress et l’anxiété ne nous atteignent pas est essentiel, et pas seulement en temps de crise. Il est important de se réserver du temps pour expérimenter ce sentiment de bien-être. Le temps passé dans cette oasis peut être court (mais fréquent), son emplacement peut être intangible. Une oasis de paix peut être un lieu physique, une chanson, un geste, un leitmotiv, une image, une activité. Une oasis de paix, c’est surtout une occasion de se sentir paisible, confortable et en sécurité.
- Adhérez à un symbole de détermination ou de solidarité
On entend souvent dire qu’il y a trois réactions face à la peur (combattre, fuir ou figer), mais il y en a une quatrième : la solidarité. Cette dernière est aussi efficace contre l’incertitude. Se regrouper, se sentir solidaire d’une communauté, c’est pouvoir tabler sur les forces des autres autant que sur les siennes. C’est avoir accès à un bassin de solutions plus grand. C’est aussi une manière de consolider sa propre motivation et sa détermination à tirer le meilleur de cette situation.
- Profitez de votre situation pour faire des modifications à votre vie
Vous vous êtes dit un nombre incalculable de fois que si vous aviez plus de temps vous perdriez cette mauvaise habitude qui vous dérange, vous cuisineriez plus, vous apprendriez une nouvelle langue, vous passeriez plus de temps avec vos enfants…? Voyez le bon côté des choses, vous avez plus de temps. Prenez cette pause pour une opportunité de passer à l’action.
- Agissez pour contribuer à contrer la situation
Vous ne pourrez pas obtenir toutes les certitudes nécessaires pour faire taire l’anxiété déclenchée par l’incertitude ambiante, mais une bonne façon de la contrer est d’agir. Le cerveau réagit mieux à une situation anxiogène lorsqu’il a l’impression de faire quelque chose pour remédier à la situation. Dans la crise actuelle, les actions permettant de contrer la pandémie ou d’agir sur ses conséquences sont nombreuses et faciles à appliquer. Lavez-vous les mains, restez à distance respectable les uns des autres, donnez du sang, proposer votre aide (en argent ou en temps) à un organisme d’entraide, prenez des nouvelles de vos proches ou aidez-les à respecter les consignes sanitaires.
Il ne faut pas s’attendre à ce que l’incertitude disparaisse, il faut apprendre à la considérer comme un aspect ordinaire de la vie et à agir de façon à ne pas se laisser submerger par elle.
L’anxiété, la reconnaitre, la comprendre et y faire face (Caroline Simard)
Inclut le journal personnel : Faire face à l’anxiété
Identifier vos sources d’anxiété * Gérer votre anxiété de façon constructive * Communiquer clairement vos besoins * Identifier vos ressources et demander de l’aide * Trouver la sérénité au quotidien
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