Lucie Brault Simard, Langage, Petite enfance, Préscolaire
Comment apprendre aux tout-petits à se défendre ?
«Henri s’amuse à faire rouler son camion rouge sur le plancher. Léo arrive et s’empare du camion. Henri se met à pleurer à chaudes larmes. Vous arrêtez Léo, le semoncez et remettez le camion à Henri.»
Que viennent d’apprendre ces deux enfants ?
Ils viennent tous les deux d’apprendre qu’Henri est une «victime» et qu’il a besoin de quelqu’un de plus grand ou plus fort pour le défendre; et, que sans cette personne, Léo a beaucoup de pouvoir. Donc, la confiance en soi d’Henri vient de diminuer, tandis que celle de Léo vient d’augmenter. Les comportements peuvent varier (mordre, pousser, frapper, détruire la construction, déranger…) cependant, le résultat demeure le même.
Oui, mais comment faire autrement ? Ils sont si petits !, dites-vous. Ne les sous-estimez pas, il est possible, même chez les tout-petits qui ont peu de langage, de développer des attitudes de confiance en soi et de leur apprendre des comportements de respect et de bonté.
Les jeunes enfants sont en apprentissage de comportements sociaux acceptables : l’un doit apprendre à s’affirmer et l’autre à respecter son vis-à-vis.
Et si on inversait notre intervention ?
On a l’habitude d’intervenir auprès de l’enfant qui a un comportement dérangeant, afin de protéger l’autre. Et si nous faisions le contraire. Si nous intervenions auprès de la victime afin de lui donner les outils lui permettant de se défendre elle-même. Je ne parle pas de cours de karaté ou autre. Je parle de confiance en soi et de capacité à s’affirmer positivement par la parole et l’attitude.
Vous me direz qu’un enfant de 18 mois n’a pas encore suffisamment de langage pour ce faire. Eh! Bien oui ! À cet âge, il a un mot magique qui, accompagné d’une attitude confiante fera toute la différence. Il s’agit du «NON». Ce petit mot de trois lettres qu’il vous répète à cœur de jour pourrait devenir un moyen efficace pour lui de s’affirmer devant celui ou celle qui prend pouvoir sur lui.
Comment faire ?
Faites un jeu avec lui.
- Expliquez-lui, que chaque fois que (nom de l’enfant) veut lui prendre son jouet (ou tout autre comportement qui le dérange), il doit s’affirmer en disant, haut et fort : «NON».
- Ensuite, dites-lui que vous allez lui montrer comment faire. Que vous allez inverser les rôles : vous serez lui et il sera l’autre enfant qui essaie de prendre le jouet (ou qui essaiera de le pousser, de le mordre… selon le besoin). Vous avez le jouet en main et vous vous baissez à sa hauteur (vous jouez le rôle d’un enfant!). Expliquez-lui ce qui va se passer pendant le jeu : «Tu vas essayer de prendre le camion et moi, je vais bien le tenir et te dire «Non». OK ? On essaie ?»
- Lorsqu’il essaie de prendre le jouet, vous dites un «NON» ferme et décidé, tout en le regardant dans les yeux. Puis, souriez à l’enfant et demandez-lui s’il a bien compris comment faire. Vous pouvez aussi recommencer le jeu pour être certain qu’il a bien compris ce qu’il faut faire.
- Maintenant, vous inversez les rôles : vous essayez de lui prendre son jouet. À cette étape, l’enfant n’a pas encore grande confiance en lui et il se peut qu’il laisse aller le jouet… qu’il dise un non faible et à peine audible… Encouragez-le à le dire plus fort et plus fermement. Recommencez quelques fois et à intervalles irréguliers.
- Lorsque l’enfant se retrouve en situation avec l’autre, ne vous en mêlez pas, à moins que ce ne soit dangereux pour lui. Prenez-le plutôt à part lorsque l’autre est parti avec son jouet et montrez-lui à nouveau comment faire. Lorsqu’il saura vraiment s’affirmer, vous remarquerez que dans la majorité des cas, l’autre le laissera tranquille. Parfois, vous n’aurez qu’à ajouter «Il t’a dit «NON»!, comme quoi il s’est exprimé et vous le supportez. Les enfants auront alors réglé entre eux la situation.
- Lorsqu’il réussit, félicitez-le.
Il se peut cependant pour les premières fois, puisqu’il est inexpérimenté, que sa réaction soit excessive et parfois inappropriée. Par exemple, l’enfant pourrait dire «NON», puis pousser l’autre et le faire tomber. Ne le punissez surtout pas, sinon vous reviendriez à votre point de départ. Expliquez-lui que c’est bien de dire «NON» mais qu’il ne faut pas pousser.
Dans certains cas, vous aurez besoin d’intervenir. Il s’agira d’enfants plus vieux qui intimident les plus jeunes, ou d’enfants qui ont développés des comportements très antisociaux.
Des outils pour la vie
L’enfant plus timide a besoin d’être encouragé à s’affirmer. En lui donnant des outils vous permettez une affirmation de soi positive. Apprendre à un enfant à se défendre lui-même, c’est lui donner les outils pour passer à travers les difficultés de la vie sans se sentir éternellement victime. Vous ne serez pas toujours là pour le défendre et régler ses problèmes. Il est bon qu’il commence dès sa tendre enfance, au moment où la confiance en soi est à son meilleur.
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